Irmina de Barbara Yelin


Irmina est une nouvelle graphique dessinée et écrite par l'auteure Barbara Yelin en 2014. Cette oeuvre a obtenu trois prix en Allemagne et deux en France: en 2015 Prix Artémisia de la bande dessinée féminine et en même année et le 4e prix Cheminots de la BD sociale et historique. De plus, Barbara Yelin a eu l’obtention du prix « Max und Moritz » de la meilleure auteure germanophone de bande dessinée en 2016.

Milieu des années 1930, Barbara Yelin nous présente l’histoire d’une jeune Allemande Irmina von Behdinger qui commence une formation de secrétariat international à Londres. Ambitieuse, elle souhaite devenir indépendante et vivre ses propres aventures. Elle rencontre Howard Green de Barbade, un homme de couleur qui étudie à Oxford et une relation amoureuse commence entre les deux personnages. La volonté d’indépendance les a liés et rassemblés dans une société où certaines parties de la population comme les étrangers, les femmes, les personnes de couleurs, étaient mises à l’écart. Malgré l’amour qu’ils éprouvent l'un envers l’autre, la situation politique en Allemagne se compliquant, Irmina est contrainte de rentrer à Berlin. 

La deuxième partie du livre raconte la vie berlinoise d’Irmina. Elle trouve un logement simple et un emploi peu payé en tant que secrétaire dans “une administration publique”: le Reichskriegsministerium (ministère de la défense du Reich). Pour garder le peu de confort qu’elle a, elle préfère ne pas remettre en cause l'idéologie criminelle du régime nazi, et continuer à vivre sa vie. Elle garde l’espoir de regagner dès que possible Londres et tente de correspondre par courrier avec Howard. Mais celui-ci ayant changé d’adresse et ne recevant plus ses lettres, elle n’a plus aucune raison de retourner à Londres.

A une soirée privée, elle rencontre Gregor, un architecte qui lui promet une vie plus confortable et conforme à la société de l’époque. Elle décide donc de l’épouser. Dans une société marquée par la guerre et l'idéologie national(e)-socialiste, elle est contrainte à mener une vie de mère au foyer, un style de vie qui l’a rebutée auparavant. Gregor est appelé à la guerre et se rend sur le front de l’Est. Pendant ce temps-là, Irmina fuit Berlin pour la campagne avec son fils afin d’échapper aux bombardements.

Le roman graphique “Irmina” est le récit d’une vie “normale” racontant le quotidien d’une majorité d’Allemands lors de la seconde guerre mondiale , c’est-à-dire le quotidien de ceux qui ont suivi sans remettre en question le régime, en allemand on appelle cela la “passive Unterstützung” soit le soutien passif. Un récit tiré d’une histoire personnelle mélangeant contexte historique à une histoire d’amour, de recherche d’indépendance présentant un dilemme entre intégrité personnelle et désir “d’ascension sociale”. Les lettres de la grand-mère de l’auteur ont été une source d’inspiration quant pour la réalisation du roman. Elle a trouvé celles-ci il y a quelques années dans des affaires laissées par sa grand-mère, mais Barbara Yelin s’est toutefois accordé la plus grande liberté narrative.


Pour vous inciter à lire cette nouvelle graphique, sachez que cet ouvrage nous a vraiment plu pour différentes raisons: L’histoire est captivante et les personnages attachants. Nous nous identifions assez vite avec Irmina car elle reflète la fougue de la jeunesse, la volonté d’indépendance, les histoires d’amour...

Ce récit raconte vraiment à quel point la guerre a pu détruire les rêves et les ambitions des jeunes Allemands d’une génération, et montre le confinement à une vie préétablie. C’est ce que Barbara veut représenter en séparant son oeuvre en trois parties distinctes. Dans la première partie, Irmina vit la belle vie à Londres comme dans un rêve puis se retrouve dans la deuxième partie confrontée à la dure réalité de la situation géopolitique en Europe. La troisième partie est elle aussi séparée de la deuxième puisque 40 années se sont écoulées, et raconte la suite de ses aventures. Ainsi, Barbara Yelin a réussi à écrire un roman graphique qui montre à travers d’un destin individuel la situation dans laquelle se trouvaient la plupart des Allemands: écartelé entre le désir de mener une vie normale et la réflexion sur une remise en cause du régime: la résistance d’une citoyenne au régime nazi aurait-elle pu changer quelque chose ?


Ce qui distingue vraiment cette oeuvre des autres, est que c’est un roman graphique. L’image devient ainsi un moyen d’entrer d’une manière nouvelle dans le récit. Les illustrations permettent de mettre des visages sur des noms, de créer une atmosphère particulière qui est marquée par des nuances sombres et moroses surtout dans la deuxième partie. Les couleurs jouent alors un rôle important et n’ont pas été choisies par hasard. Notamment la couleur rouge, associée au régime nazi, qui attire l’oeil (Eyecatcher) sur certains détails nous rappelant le contexte historique. Au contraire dans la première et la troisième parties les couleurs sont plus gaies.

La qualité du graphisme est remarquable,surtout pour une oeuvre de 272 pages où chaque vignette est minutieusement élaborée avec tous les détails.


Juliette Floucaud et Marie-Christin Dotzler
Études franco-allemandes




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